Je poste ce billet le 16 mars 2024. Il y a précisément quatre ans débutait en France le premier confinement sanitaire. Voici un texte de moins de 500 mots que j'avais écrit pour l'occasion.
PETITE DAME …
GENDARME Madame, s’il vous plait, votre attestation.
PETITE DAME …
GENDARME Madame, avez-vous rempli et signé votre attestation ? Vous-savez bien, à cause du COVID là, À la radio ils ont dit, la pandémie.
PETITE DAME …
GENDARME (inquiet) Oh-là, mais c’est qu’elle ne va pas bien la petite dame. Eh oh, madame, vous m’entendez ? Eh Ohhh ? Tenez, regardez il y a un banc juste ici, à l’ombre de l’arbre. Asseyez-vous un instant, respirez. Respirez tranquillement. Voiiilààà… Ah vous reprenez des couleurs, j’ai cru que vous nous faisiez un malaise. Enlevez donc votre masque, c’est ça qui vous gêne aussi, vous le remettrez après allez.
PETITE DAME Vous… vous… vous êtes bien aimable…
GENDARME Ah ben voilà, elle parle la petite dame. Vous habitez par ici ? Vous avez de la famille pas loin ?
PETITE DAME Je… C’est-à-dire j’ai ma petite fille à côté de chez moi… Elle est assistante maternelle.
GENDARME Voulez-vous qu’on l’appelle ? On va lui demander de venir vous chercher ?
PETITE DAME Non non… vous êtes bien aimable… je vais bien… je vais bien… je vais bien. Je veux rentrer chez moi… vous êtes bien aimable.
GENDARME D’accord mais moi je ne vous laisse pas vous relever tout de suite ma petite Dame. Vous vous reposez encore un petit peu s'il vous plait. Comment vous appelez-vous ?
PETITE DAME (elle récite comme une enfant) Je m’appelle Marceline Le Floch je suis née à Landerneau le 16 février 1929. Je suis Française. Vous êtes bien aimable.
GENDARME Ne vous inquiétez pas, Madame, tout va bien. Voilà respirez tranquillement. Vous habitez loin ?
PETITE DAME J’habite là-haut. J’ai toujours habité là-haut… Mais vous savez, la maison elle a beaucoup changé depuis. Oh là là oui. Je vais bien… Je rentre chez moi maintenant. Vous êtes bien aimable.
GENDARME Vous êtes certaine ?
PETITE DAME Oui, certaine. Vous êtes bien aimable.
Marceline se lève et part d’un pas égal. Sur le banc, une flaque de pipi s’étale. Des gouttes tombent entre les lattes. Marceline marche quelques mètres. Elle s’arrête. Se retourne. Un instant il y a cette chose impossiblement violente en elle. En contraste total avec son malaise et sa frayeur des minutes précédentes.
PETITE DAME Vous savez jeune homme, on dit que je perds la mémoire mais moi je n’oublie pas ça. Parce que voyez-vous j’ai déjà été contrôlée ici. En Novembre 1943. Ils n’avaient pas été bien aimables.
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