Design de l'invisible

Je profite d’avoir la parole pour partager quelques réflexions récentes sur « le design de l’invisible ». Je commence par donner quelques notions de base, puis deux exemples issus de la culture geek et je finis sur quelques extrapolations.

Qu’est-ce que le design ? (ckoa l Dsign?)

Franchement je n’en sais rien même si « j’utilise » du design tous les jours. Quand tu ne sais pas va dans le dictionnaire disait ma grand-mère. Alors ça nous donne :
design, n.m. anglicisme, mode de création industrielle qui vise à adapter la forme des objets à la fonction qu’ils doivent remplir tout en leur conférant une beauté plasteek qui rende agréable leur utilisation.
Rien compris. Si ce n’est qu’il est question d’objets.
Bon, alors à quoi sert le design ? Là j’ai une petite idée, soufflée il y a bien longtemps par un designer sous la forme d’une question : si tous les objets sont fabriqués dans la même usine, qu’est-ce qui nous fait choisir un objet précis dans le rayon ? Eh bien oui, le design.
Mézalors, le design s’appleek-t-il à autre chose qu’à des objets ? Par exemple peut-on designer un service, un système, une idée… ? Peut-être. Et on appellerait ça le design de l’invisible (ou pas).

8.8.8.8

Mon premier exemple est une start-up californienne d’une dizaine d’année. Elle a fondé un certain succès sur un algorithme de classement des résultats d’une recherche. Elle est aussi très forte en design, reprenant notamment les codes visuels du libre dans leurs interfaces. Depuis quelques temps, Google offre aussi un service de DNS, Domain Name System.

Le design est dans l’adresse IPv4 du serveur DNS en question : 8.8.8.8

Rien que de l’écrire j’en ai des frissons ! D’abord c’est simple, c’est sobre, c’est limpide. Ensuite c’est puissant : qui peut aujourd’hui s'offrir une adresse IP en 8.0.0.0/8 ? Pour info il s’agit bien d’une classe A, maintenant assignée à « Level 3 Communications » à qui Google a racheté ou loué l’adresse 8.8.8.8. C’est également très très bien ciblé : certes la ménagère de moins de 50 ans kiffera assez moyennement, mais c’est au geek de base que ça s’adresse. Lui, il en recompilera son noyau de bonheur ! Est-ce que ça rend l’utilisation agréable, comme le suggère la définition du dictionnaire ? J’ai tendance à le croire, notamment parce que c’est mnémotechneek et vite tapé dans une commande en ligne genre dig @8.8.8.8 metallurgeek.blogspot.fr. Le design enfin, c’est le souci du détail, la finition parfaite : en geek le chiffre 8 c’est la lettre g, comme dans Google. En Chine le chiffre 8, homophone de « s’enrichir » c’est le chiffre porte bonheur. Le serveur DNS de secours quant à lui est à l'adresse 8.8.4.4. Pas mal aussi sachant que le 4, homophone de mort, porte malheur.

2620:0:1cfe:face:b00c::3

Mon deuxième exemple est une start-up californienne d’une dizaine d’année. Elle a fondé un certain succès sur la mise à disposition d’un trombinoscope planétaire. Elle est aussi très forte en design, reprenant notamment les codes visuels du gratuit. Depuis quelques temps, Facebook offre aussi son service sur une adresse IPv6. Digression : depuis 1998 le déploiement d’IPv6 est « pour l’année prochaine » et toute start-up californienne se doit d’avoir déjà les adresses IPv6 pour ses services.

Le design invisible est dans l’adresse IPv6 du service Facebook : 2620:0:1cfe:face:b00c::3

C’est peut-être moins flagrant que l’exemple précédent mais quand même : faire commencer le champ identifier par « face:b00c » c’est plutôt classe. Plutôt design en fait. Ça fait appel à la longue tradition du hexspeak (tiens j’en ai profité pour renseigner la page Wikipedia française qui manquait cruellement) avec ces superbes mots hexadécimaux, 0xDEADBEEF et autres 0xDEFACED. Est-ce que ça facilite l’usage ? Mmmm, pas certain mais disons que ça facilite les recherches en ligne.

Ouais, et après ? (so what?)

Une première question vient à l’esprit : faut-il absolument être une start-up californienne d’une dizaine d’année pour avoir vraiment besoin du design de l’invisible ? De plus, faut-il avoir deux O consécutifs dans son nom (Google, Facebook, Yahoo) ?

On peut aussi se demander si tout ça n’est pas largement de la flûte, des astuces pour frimer, pour amuser la galerie, pour faire joli quoi… Hmmm, frimer, amuser la galerie, faire joli, on n’est peut-être pas si loin du design non ?

Plus utilement peut-être j’en viens à me demander quels pourraient être d’autres candidats au design de l’invisible ? Qu’est-ce qui n’est pas un objet mais qui peut quand même être designé ? Je trouve cette question intéressante à l’heure du cloud, à l’heure où les services en ligne sont tellement mondialisés qu’on ignore jusqu’à leur provenance, à l’heure du « tout moins cher qu’ailleurs ». Je me dis que le design de l’invisible peut trouver sa place dans les réseaux comme le design d’objet dans les linéaires.

J’ai en tête quelques candidats au design de l’invisible, liste aussi critiquable que non exhaustive :
  • Les distributions Linux : les distributions sont justement là pour donner de l’attrait à Linux, pour adapter son usage à un contexte particulier, pour permettre une identification simple et rapide.
  • Les CAPTCHA : on en résout de plus en plus chaque jour, autant qu’ils soient jolis non ? En l’occurrence, les palettes de couleurs pourraient être améliorées…
  • Les codes barres 2D : ça aussi on en voit partout alors autant que ça ait de la gueule. Personnellement j’aime assez la version aztec avec le carré au milieu.
  • Petit exercice de créativité :insérez ici votre propre exemple, gratuitement !

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